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Pierre d'écriture
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18 novembre 2004

Commencer par la philosophie

La grande salle des pas perdus, le 18 novembre 2005, lors de la journée de la philosophie à l’UNESCO ; des jeunes d’âges très divers sont installés autour des petits guéridons noirs. Gilles Geneviève procède comme il le fait habituellement à l’atelier de philosophie pour enfants à l’Université Populaire de Caen ou encore avec ses élèves d’école primaire en ZEP : il commence par distribuer des textes et donne la consigne de les lire.
Laure Bulhman, Hervé Parpaillon et moi-même, bien que nous lui fassions entièrement confiance, et connaissions l’étendue de son expérience en la matière, sommes un peu inquiets : comment va réagir ce public aussi disparate, (les jeunes assemblés sont d’âges très divers,  entre le début du collège  et la fin du lycée) aussi peu préparé à l’exercice, sans compter que bon nombre de jeunes, en dehors des clubs Unesco, ne se sont arrêtés là peut-être qu’un moment ? Juste par curiosité peut-être… Et sans compter tous les adultes qui vont et viennent autour de nous, qui tiennent conciliabules… Cela ne semble guère facile à gérer…
La lecture partagée entre tous ces jeunes qui ne se connaissent pas se passe étonnamment bien.
Mais l’inquiétude demeure, bien entendu…
Les consignes concernant les questions sont rapidement intégrées par le jeune public, et ces questions, timides tout d’abord, maladroites, se mettent rapidement à fuser :
En voici quelques unes :
* Pourquoi quelqu’un qui aurait vécu des évènements particuliers n’aurait-il pas envie de les évoquer ?
* Les relations familiales ont-elles la même valeur lorsqu’elles sont naturelles ou non ?
* Comment un enfant pourrait-il avoir une vie de famille stable si ses parents sont toujours en déplacement ?
* Quelle est la place des grands-parents dans un jeune esprit ?
* Quel manque le désir de communication peut-il cacher ?
* Peut-on prévoir ses rêves ?

C’est finalement cette dernière question qui est choisie, par le vote des jeunes présents, cette question étant débattue ensuite sous deux angles :
> C’est quoi un rêve ?
> Y aurait-il des inconvénients (ou des avantages) à prévoir ses rêves ?

A partir de ce moment-là, il se passe quelque chose de presque magique dans l’assemblée des jeunes. Non seulement ceux qui s’étaient arrêtés un petit moment par curiosité sont restés, mais d’autres les ont rejoints. Ce qui est à l’œuvre, là est à la fois magnifique et passionnant. Ainsi une élève de lycée tente d’expliquer le mot « frustration » à une collégienne beaucoup  plus jeune et l’on sent bien que cet échange est autant profitable à celui qui reçoit qu’à celui qui donne. Dans ce genre d’échange, notre avoir s’augmente de ce que l’on donne… Au fur et à mesure que progresse la discussion, les participants se font de plus en plus nombreux et le public grandit. Beaucoup de jeunes ont les yeux qui brillent et s’écoutent mutuellement avec une inhabituelle attention…

      En lisant ces quelques lignes, certains seront tentés de dire : l’enthousiasme l’emporte, il exagère…

      Je ne le crois précisément pas : cette sorte de délectation très particulière qu’il y a à penser en commun, à élaborer une pensée commune qui s’appuie sur les réflexions de ses pairs, au sein d’une communauté constituée en communauté de recherche, je ne suis pas le seul à la relever : Marc Sautet, l’un des pionniers des cafés-philo dans la Cité  évoquait justement, en parlant des participants aux discussions philosophiques, la « visible jubilation qui se lisait sur leur visage, ce plaisir intense qui les faisait ressembler à des rescapés… »

      Il était si évident que tous ces jeunes assemblés dans la salle des pas perdus éprouvaient un plaisir intense…

      Et cette expression d’intérêt, cette envie de réfléchir ensemble, de construire une réflexion commune, de comprendre la pensée de l’autre et de nouveaux concepts, n’est-ce pas, justement, ce que la plupart des enseignants rêvent de susciter chez leur auditoire ?

      L’école en crise, aujourd’hui, ce n’est nullement une vue de l’esprit. Les professeurs se plaignent de plus en plus du désintérêt croissant des populations scolaires pour les matières enseignées. Ils sont sans cesse dans l’obligation de brandir menaces et sanctions pour, trop souvent, de bien piètres résultats. Les fameuses «classes bataille » sont légions. Les professeurs s’y épuisent à maintenir un semblant d’ordre qui n’est malheureusement pas suffisant, la plupart du temps, pour créer les conditions favorables aux apprentissages.
Les élèves de leur côté, pour beaucoup, s’ennuient, et se demandent bien pourquoi on les oblige à aller à l’école.

      Car voilà le paradoxe aujourd’hui : dans nos démocraties riches où l’école est obligatoire et bénéficie d’une puissante organisation, celle-ci a fini d’être vécue par les jeunes comme une chance offerte, comme une possible émancipation, comme une promesse de vie meilleure.
      L’école obligatoire pour tous est devenue une corvée pour la plupart… Et c’est justement cette organisation trop bien pensée, trop bien rôdée qui est devenue stérilisante. L’institution scolaire aujourd’hui ne met plus en place que des carcans formels et rigides, à grands coups de textes officiels et de réformes qui ne sont guère autre chose, la plupart du temps, que des effets d’annonce et tous les acteurs qui sont impliqués, les enseignants d’un côté, les élèves de l’autre sont aussi mal à l’aise et ont autant de mal à trouver leur place les uns que les autres dans ce système.

      L’institution est comme une immense machine qui tourne à vide, continue comme si de rien n’était, dans une sorte d’autisme de plus en plus effrayant, insistant toujours plus sur les aspects purement formels alors que les deux camps hurlent leur souffrance !

      Certains aujourd’hui sont tentés de dire : « ça ne marche plus ! Avant, ça marchait : revenons donc à l’école d’autrefois ! »

      On peut en effet être tenté de regretter aujourd’hui une école républicaine un peu mythique qui fonctionnait bien, c’est vrai, mais qui fonctionnait bien dans un certain contexte et avec des missions très différentes de celles que s’est assignées l’école d’aujourd’hui. Sans nous étendre sur ce point qui est très connu, rappelons seulement la massification de l’enseignement de nos jours et l’ambition de conduire quatre-vingt pour cent des élèves au baccalauréat. L’école qui réussissait bien avait des objectifs beaucoup plus modestes et seule une élite accédait à l’enseignement secondaire. Aujourd’hui tous les élèves, ou presque, entrent au collège. Peut-on faire fonctionner l’école d’hier dans la société d’aujourd’hui ?

      Je m’appuierai largement sur l’excellent ouvrage de Jacques Lévine et Michel Develay, « Pour une anthropologie des savoirs scolaires », pour tenter de montrer que c’est totalement illusoire.
      
      L’école est toujours le reflet d’une société. Le monde aujourd’hui, confronté à une multitude de menaces, doute ; l’espérance que la science apporterait à l’humanité un monde meilleur, un monde plus sûr et plus habitable, cette espérance a fait long feu. Il n’est pas douteux que la science aujourd’hui inquiète beaucoup plus qu’elle ne rassure et nous n’avons même pas besoin d’évoquer les inquiétudes face aux OGM, au clonage humain, à la couche d’ozone, à l’effet de serre… Il n’est pas un jour sans que les grands médias brandissent un nouveau spectre menaçant, et, chaque fois, dérivant à coup sûr et conséquence directe des progrès scientifiques et technologiques. Oui, le monde est de plus en plus inquiétant…
Et que penser de la nature humaine après les atrocités du milieu du vingtième siècle, les camps d’extermination, la bombe atomique, le stalinisme, et, plus près de nous, les évènements de l’ex-Yougoslavie,…

Les élites sont en perte de crédibilité. Le pouvoir est de plus en plus suspecté et partout, l’on soupçonne le complot, la manipulation…
« La deuxième guerre mondiale a fini de porter un coup décisif aux valeurs religieuses, au patriarcat, à la sacralisation de l’école, à l’interdiction du droit de se plaindre. Le système d’alliance qui prévalait a éclaté. En quelques décennies, le « c’est comme ça » qui avalisait le lien social, a fait place au droit de contester, de se plaindre, d’ameuter l’entourage. Un mouvement de déparentalisation s’est ainsi mis en marche et il faudra beaucoup plus que des discours sur l’autorité pour l’arrêter.» (J. Lévine)

      L’on ne cesse aujourd’hui de déplorer la perte de l’autorité : mais elle n’est, encore une fois, que le reflet de l’évolution du monde. Les enfants refusent de plus en plus de se sentir moins « fort » que les adultes alors que, dans le même temps, les adultes cessent de se sentir plus « forts » que les enfants. Ils doutent du monde et ils doutent de l’homme en général et d’eux-mêmes en particulier. Ils ne croient plus à la légitimité de leur enseignement compte tenu de toutes les menaces évoquées précédemment. Le phénomène de mondialisation ainsi que la perte d’influence des religions traditionnelles et l’affaiblissement de l’instance paternelle finissent d’accroître la désorientation de ceux qui sont en charge d’éduquer et de ceux qui devraient recevoir cette éducation. Il s’accomplit un véritable processus de  « néantisation du Moi » et si ce mouvement perdure, il risque de nous conduire vers une société où seuls la méfiance et le rejet tiennent lieu de valeur collective. Sans compter que la création intellectuelle et artistique en Europe est engluée dans un néantisme ou un nihilisme désespéré depuis la deuxième moitié du dix-neuvième siècle : Nancy Houston le montre bien dans son dernier essai, « Les professeurs de désespoir ». Si toute la création littéraire et artistique est à ce point persuadée que l’humanité est tellement mauvaise qu’il vaudrait mieux ne plus avoir de descendance, comment peut-on imaginer que les éducateurs aient justement bonne conscience à éduquer les dits enfants ? A la suite d’Arthur Schopenhauer qui a eu une influence énorme sur les intellectuels en Europe, comment transmette à la jeunesse les valeurs dont elle a besoin pour se construire ?

      La société actuelle, et c’est presque une banalité de le dire, manque cruellement de repères : l’immédiate conséquence, c’est que l’école manque de sens.

      Et pourtant… Les enfants viennent au monde avec une curiosité extraordinaire, un questionnement incessant lorsqu’ils regardent autour d’eux. Cet étonnement face au monde qui les entoure, c’est la base du questionnement philosophique, c’est la base du questionnement scientifique, c’est le fondement du désir de connaître et du plaisir d’apprendre…

      Pour la plupart, les jeunes abordent le système scolaire avec cette flamme encore bien brillante, encore bien vivace. Malheureusement, au fil des années, au fil des classes, face à l’accumulation de matières enseignées où le savoir est soigneusement saucissonné, la connaissance minutieusement prédigérée, la curiosité s’émousse, faiblit, puis s’éteint. L’appétit se transforme en indigestion puis en écoeurement…
La plupart du temps, leurs attentes sont déçues lorsqu’ils sont confrontés à l’encyclopédisme ordinaire de l’école. Et que dire de ceux qui sont en échec dès les plus petites classes ? Que dire de la souffrance de ceux que l’on a toujours rejetés à la marge, ceux que l’on a étiquetés comme « élèves en difficulté » et qui, au fil des classes, vont d’humiliation en humiliation ?

      Le fameux déclic, la fameuse résilience, qui est le mythe fondateur de toute vocation éducatrice, est malheureusement très rare… Le passage du monde des exclus à celui des « bons » élèves est plus que rarissime… Et l’institution, souffrant souvent « d’hallucination positive », qui « consiste à tenir pour réalisé ce qui est encore à bâtir dans son ensemble », explique qu’elle fait beaucoup pour les élèves en difficulté…

      La nostalgie de l’ordre moral et les effets d’annonce de l’institution accroissent plus que jamais, et à la limite du supportable, le malaise des personnels enseignants. Le passéisme et la volonté de revenir aux bonnes vieilles méthodes du passé n’auraient à coup sûr qu’un seul résultat : aggraver d’une façon catastrophique le malaise des professeurs et le désintérêt croissant des élèves. Il ne conduirait de plus en plus qu’à durcir le conflit qui se joue entre l’enseigné et l’enseignant.

      Et la philosophie dans tout cela ?

      Nous l’avons vu, la curiosité d’un être qui s’éveille à la vie, qui découvre le monde, son étonnement est essentiellement de nature philosophique…
      Pourquoi au lieu de l’étouffer progressivement dans un encyclopédisme rébarbatif et un éparpillement des savoirs totalement arbitraire, n’essaie-t-on pas, au contraire, de s’appuyer sur cette curiosité première pour construire le sens de l’école ?
Pourquoi cette curiosité première ne serait pas comme cette petite graine que l’on va arroser et entourer de soins constants pour qu’elle donne, plus tard, une belle plante tournée vers la lumière ?

      Nous sommes absolument persuadés que la philosophie pourrait constituer cette matrice capable de rassembler les savoirs morcelés, la connaissance dispersée, une matrice qui redonnerait sens aux apprentissages.

      A l’heure actuelle, la philosophie n’intervient qu’en classe terminale, à la fin du cursus secondaire, à un moment où les jeux sont faits depuis longtemps. Il y a déjà de nombreuses années que la petite flamme s’est éteinte.

      Pourquoi, au lieu de terminer les études, la philosophie ne les introduirait-elle pas ? Et ne les accompagnerait-elle pas d’un bout à l’autre des apprentissages ? Pourquoi ne constituerait-elle pas l’épine dorsale du savoir, seule capable de maintenir ensemble tous les éléments  du squelette de la connaissance ?

      Beaucoup vont s’écrier alors :

« — Comment ? Mais, vous n’y songez pas ! L’école débute à la maternelle : ce n’est pas sérieux ! Comment voulez-vous que les enfants soient capables de faire de la philosophie en maternelle ? La philosophie est une discipline sérieuse, exigeante, difficile ! Elle nécessite que des tas de savoirs préalables soient engrangés… »

      Bien entendu, il n’est pas question de délivrer des cours de philosophie à des classes de maternelle. Néanmoins, il n’est pas trop tôt pour développer le questionnement des enfants, et pas seulement sur des questions anodines ou secondaires. Dès son plus jeune âge, l’enfant peut réfléchir à des questions qui ont de tout temps préoccupé l’humanité : la liberté, la vérité, l’amour, le travail, l’argent, le vieillissement, la mort… Cette réflexion peut très bien s’élaborer au cours d’une discussion menée avec les enfants. Oui mais… En quoi une discussion menée avec de jeunes enfants pourrait-elle mériter le substantif « philosophique » ?

« “ Ne s’agirait-il pas uniquement d’une propédeutique à la philosophie, d’une simple préparation au philosopher ? ” nous sera-t-il demandé. Mais en fin de compte, dans une certaine tradition socratique, le philosopher n’est-il pas en essence une propédeutique, ne consiste-t-il pas en une préparation jamais achevée ? Sa matière vive ne serait-elle pas un questionnement incessant ? Toute idée particulière n’est-elle pas une simple hypothèse, moment éphémère du processus de la pensée ?

Dès lors, philosophe-t-on moins en une ébauche du philosopher qu’au cours d’une théorisation épaisse et complexe ? L’érudit philosophe-t-il plus que ne le fait un enfant en maternelle ? Rien n’est moins sûr ; pire encore, la question est dépourvue de sens. Car si le philosopher est une mise à l’épreuve de l’être singulier, il est nullement certain que l’éveil de l’esprit critique ne représente pas un bouleversement personnel plus fondamental que les analyses savantes de notre routier de la pensée. C’est en ce sens que cette pratique se doit de s’installer très tôt chez l’enfant, à défaut de quoi il est à craindre que la vie de la pensée n’en vienne ultérieurement à se concevoir comme une opération périphérique, extérieure à l’existence, phénomène que l’on observe très souvent dans l’institution philosophique et dans l’enseignement en général. »
(Oscar Brénifier, dans Diotime-l’Agora)

Faut-il encore s’entendre sur ce que l’on dénomme « philosophie »… Lors de la discussion dans la salle des pas perdus, le 18 novembre, la question a été posée par des enfants :

« C’est quoi au fond la philosophie ? »

Sur le site de l’Unesco, à la rubrique philosophie, il est justement indiqué :

« Il n’y a pas d’Unesco sans philosophie
L’Unesco a toujours entretenu des liens étroits avec la philosophie, non pas une philosophie spéculative ou normative, mais un questionnement critique qui permet de donner un sens à la vie et à l’action dans le contexte international »

      La philosophie qui nous intéresse pour les jeunes esprits est tout particulièrement cette philosophie-là. Nous n’avons que faire de vaines spéculations d’une élite intellectuelle, enfermée dans sa tour d’ivoire,  totalement déconnectée de la vie et de ses réalités. Nous voulons que la philosophie redevienne un véritable art de vivre et une recherche authentique de la sagesse. Nous voulons qu’elle soit un laboratoire pour le bien de l’humanité tout entière et qu’elle retrouve ainsi sa vocation antique. Nous voulons que la majorité se la réapproprie. Et pour que cela soit possible, il est nécessaire que les enfants s’y exercent dès le plus jeune âge.

      Pour tous les problèmes qui se posent dans notre société aux citoyens que nous sommes, l’éthique notamment avec les effarants progrès des biotechnologies, nous avons besoin de la philosophie. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » disait Rabelais.

      Nous avons plus que jamais besoin d’apprendre à réfléchir en commun et non plus d’accumuler des connaissances encyclopédiques individuellement. Montaigne disait déjà que l’école se devait de former des « têtes bien faites plutôt que des têtes bien pleines ». Cette formule, trop souvent rebattue, finit par sonner comme une banalité et pourtant, elle est plus que jamais d’actualité.

      Très tôt, l’enfant peut avoir le sentiment d’appartenir à une communauté de recherche qui œuvre pour une amélioration de l’humanité et ce sentiment est pour lui extrêmement valorisant. Il est à la base du goût d’apprendre. Aujourd’hui, l’on ne donne aux élèves qui demandent « Pourquoi apprendre ? » que des justifications utilitaristes et individualistes, qui sont d’ailleurs bien le reflet de la société dans laquelle nos jeunes grandissent : « Pour avoir une bonne situation plus tard… »
Mais ce genre de discours ne motive guère plus de dix pour cent des élèves, ceux qui, de toutes façons, travailleraient… Le projet global de l’école et de l’éducation en général manque totalement d’ambition, de hauteur de vue. Il s’est de plus en plus desséché, vidé de sa substance, de sa chair, de son sang. Il est devenu étriqué. Personne n’a envie de devenir un robot à apprendre, un élève soumis et docile que l’on gave de savoirs comme une oie de grain dans une entreprise de foie gras du sud-ouest… Il faut discerner dans tout apprentissage le sens qui le sous-tend et pour l’intégrer, il est nécessaire de l’organiser, de l’articuler  avec ses connaissances préalables, ses représentations et son vécu : « Apprendre, c’est passer du savoir qu’exige l’école au savoir à soi. »

Edgar Morin a dit : « De tout temps, l’homme a dû former une image de lui-même comme s’appartenant à lui-même, appartenant à la société et appartenant à l’espèce. »

Ce qui fait dire à Jacques Lévine et à Michel Develay : « Cette tridimensionnalité est plus nécessaire que jamais si nous ne voulons pas devenir des sous-hommes robotisés, errant dans le monde sans pouvoir s’accrocher nulle part…
Sans cette conception du triple arrimage, nous retombons dans les ornières d’une école rétrécie, refermée sur elle-même, débitant des discours désincarnés…
Développer un sentiment d’universel, c’est mobiliser l’intelligence naturelle des élèves sur les grandes questions qui rassemblent les hommes depuis le début de l’humanité… »

      Mobiliser l’intelligence naturelle des élèves sur les grandes questions qui rassemblent les hommes depuis le début de l’humanité, n’est-ce pas là une très belle définition de la discussion philosophique que nous voulons pratiquer avec les jeunes esprits, dès leur plus jeune âge justement ?

      Les élèves sont des enfants, ou des adolescents, ou encore de jeunes adultes. Ils font à ce titre partie intégrante de l’humanité. Avant d’être des élèves qu’on voudrait dociles ou robotisés, ce sont des êtres humains qui se posent les questions que les êtres humains se sont toujours posées. Or, notre système scolaire a toujours soigneusement évité justement d’aborder ces grandes questions universelles !
Ainsi, l’on se trouve dans l’obligation de constater ce paradoxe : l’école évite les questions que les élèves se sont toujours posées en tant qu’êtres humains, habitants de la planète Terre, pour passer des heures, des jours, des mois voire des années à répondre à des questions qu’ils ne se sont jamais posées, et pour lesquelles ils n’éprouvent aucune espèce d’intérêt, comme la différence entre un attribut et un complément d’objet direct par exemple !

      Enfin, croit-on vraiment que les élèves seront capables de philosopher en terminale si l’on ne commence qu’à ce moment-là ? Peut-on sérieusement être convaincu de cela ?

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Commentaires
D
Non. On ne peut être sérieusement convaincu de cela. On peut cependant aussi, hélas, se poser la question - l'éternelle question de la formation des maîtres. Et qui plus est de leur gout éventuel pour la philosophie. Qui, dès l'école primaire, pourrait effectuer le travail exemplaire dont tu parles à.Qui, à part quelques esprits éclairés? Ce problème du qui-le-peut se pose aussi lorsque des écoles tentent d'inculquer - même par le jeu - les rudiments d'une langue étrangère qu'ils ne maitrisent pas ou si peu à une génération d'enfants qui en sont pourtant demandeurs. Les maîtres ne sont pas - hélas?- bons à tout faire.<br /> En dehors de cela,ce texte est passionnant et pertinent de bout en bout .Et peut être même, génératio -Gütemberg-oblige, vais je me l'imprimer pour le relire au chaud dans mon canapé : ici le printemps s'est enfui. Depuis deux jours le vent lui flanque trop de coups de pieds dans les côtes.<br /> Merci beaucoup pour le référencement, que je découvre par hasard.<br /> Cette partie, dédiée à la réflexion, et celle de ton blog que je préfère avec les photos. J'aime tes branches ourlées de pluie et tes fleurs d'aujourd'huoi 10 Avril font bien du bien à mes mirettes.<br /> Bien cordialement.BRAZZA.
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