Drame à Charléty en neuf actes
Acte I
Il est un peu plus de 19h00 : le stade Charléty est déjà plein. Les drapeaux et les tenues tricolores fleurissent un peu partout. Pétards, tam-tam et cornes de brume s'en donnent à coeur joie...
Acte II
Nos deux voisines dans l'assistance fiévreuse et colorée qui attend avec impatience le coup d'envoi de cette finale de coupe du monde, la deuxième en huit ans pour une équipe de France qui, lorsque j'étais enfant ou adolescent était toujours désespérément absente des grands rendez-vous du foot international...
Acte III
Le match n'a débuté que depuis sept minutes et Zidane marque sur un pénalty que l'arbitre vient de siffler pour une faute de Matterazi sur Malouda. C'est l'explosion de joie dans le stade ! Pour tout le monde, à ce moment-là, la France va remporter la finale ! Les feux de bengale s'allument partout, sur la pelouse, dans les tribunes...
Acte IV
Mais, à la quinzième minute, c'est la consternation générale : l'Italie vient d'égaliser sur un corner, et c'est Matterazi qui marque, comme pour se racheter d'avoir provoqué le pénalty fatal pour son équipe. Pourtant, tout le monde y croit. Après quelques instants d'abattement, les "Allez les bleus !" reprennent de plus belle bien que les français aient joué en blanc la quasi totalité des matches de cette coupe du monde en Allemagne et, comble de l'ironie, que ce soient les italiens qui jouent avec un short et un maillot bleus ! La fameuse "Squadra Azzura" ! Les gens se disent :
"Bon, cette fois, ça ne sera pas 3-0, mais 3-1 !"
Acte V
Et c'est la mi-temps, sur le score de 1-1... Beaucoup de jeunes ont sorti des ballons de foot pour mieux encore se mettre dans la peau de leurs héros. L'ambiance est encore très bon enfant...
Acte VI
Malheureusement, elle ne dure pas. Peu après le début de la seconde mi-temps, des affrontements ont lieu sur la pelouse. Les gars de la sécurité, en rouge, ont l'air totalement dépassés... Du coup, ensuite, cette partie de la pelouse restera tristement vide et jonchée de détritus... Le match est passé au second plan pendant un bon quart d'heure et on sent que l'optimisme général a faibli... L'inquiétude monte en flèche et parcourt la foule comme une onde palpable...
Acte VII
C'est le début des prolongations : c'est comme un nouveau match qui commence; tout est encore permis ! L'enthousiasme des supporters français reprend le dessus et de grandes "olas" parcourent toutes les tribunes. Les joueurs français et italiens sont épuisés et le combat devient épique : la France a souvent triomphé en de telles circonstances, comme lors de la finale de l'Euro 2000 par exemple... Et puis, dans la deuxième partie des prolongations, il y a ce vilain geste de Zidane qui laisse tout le monde interloqué. Qu'a bien pu lui dire Matterazi ? Encore lui d'ailleurs, Matterazi, qui a provoqué le pénalty, égalisé ensuite puis fait expulser un des meilleurs joueurs du monde qui va prendre sa retraite, tristement et dramatiquement anticipée de quelques minutes... Sinon, aurait-on été champions du monde pour la seconde fois ? Cela fait partie de ces choses que l'on ne saura jamais...
Acte VIII
Et puis, la terrible séance de tirs au but... Mais cette fois, la chance ne va pas sourire à la France, comme au quart de finale en 98 où elle avait battu l'Italie en de pareilles circonstances. Malheureusement, cette fois, c'est le pauvre David Trézéguet qui manque son tir... On lui avait confié une bien lourde responsabilité alors qu'on n'avait pas daigné le faire jouer de toute la compétition ! Il devait être doublement triste... Charléty comprend peu à peu que la fête va se terminer beaucoup plus tôt que prévu...
Acte IX
Et voilà, c'est terminé : la foule s'écoule lentement et tristement... Charléty se vide au fur et à mesure que les rues avoisinantes se remplissent de groupes accablés, étrangement silencieux. Ils y avaient tellement cru ! Dans la vie quotidienne, ils ont si peu l'occasion d'être fier... Même si c'était par procuration, l'épopée de l'équipe de France leur avait fait vivre de si beaux moments de fierté... Et voilà que tout s'écroulait, pour un tir trop haut de trois centimètres... Il y eut bien quelques klaxons ensuite, mais le coeur n'y était vraiment pas. La joie, la fierté nationale, cette année, elle était à Rome, à Naples ou à Milan... Ou dans le plus petit village de Sicile.
Un grand merci tout de même à l'équipe de France et à cette merveilleuse génération de joueurs qui nous aura fait vivre tant d'émotions depuis que la maison de Chenevières est entrée dans ma vie...