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Pierre d'écriture
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11 février 2008

Chair de ma chair

chair"Ma mère se lève à l'aube pour faire la cuisine, elle plume la poule et la tient au-dessus de la flamme du réchaud à gaz. Ma mère préfère acheter les poules vivantes parce qu’elles sont plus fraîches.
A l’hôtel, elle égorge la poule dans la baignoire.
QUAND ON LES TUE, LES POULES CRIENT DANS UNE LANGUE INTERNATIONALE, ON LES COMPREND PARTOUT.
Egorger à l’hôtel est interdit, alors nous allumons la radio, nous ouvrons la fenêtre et nous faisons du tapage. La poule, je refuse de la voir avant, sinon je veux qu'elle reste en vie. Ce qu'on ne met pas dans la soupe, on le jette aux cabinets. La nuit j’ai peur des toilettes, je fais pipi dans le lavabo, là où les poules mortes ne remontent pas.
Nous habitons toujours ailleurs..."

C’était un extrait de « Pourquoi l’enfant cuisait dans la polenta ? », récit autobiographique de Aglaja Veteranyi, enfant d’une famille d’artistes du cirque, qui avait fui la Roumanie de Ceausescu pour sillonner les routes d’Europe…

C’est de ce récit que s’inspire Ilka Schonbein dans sa dernière création « Chair de ma chair »...

Cette poule plumée, devient elle aussi une marionnette dans un petit théâtre de cirque, et le rire est grinçant, numéro dérisoire d’un volatile mort, à la chair à vif, qui donne le ton du malaise que l’on ressent à chaque apparition d’un nouveau masque, d’un nouveau membre séparé d’un corps pour se fondre dans un autre…

On assiste à un spectacle troublant, extrêmement fort, aux frontières de la douleur, du sang et des larmes de l’enfantement, des rapports compliqués avec la mère, où l’amour et l’angoisse se mêlent sans cesse. Ilka Schonbein fait parler son corps décharné, presque squelettique dans une pureté et un dénuement magnifiques. Elle est marionnettiste mais bien plus que cela : elle est mime, danseuse et ses marionnettes se confondent avec elle-même, la prolongent, la dédoublent, sortent de son corps et y rentrent à nouveau, en prenant une vie autonome et un extraordinaire relief. Elle donne naissance à un univers onirique qui nous conduit sans cesse au bord du malaise, dans une extraordinaire beauté plastique, qui entre violemment en résonance avec le texte de Aglaja Veteranyi, dit par une autre comédienne, dans un décor qui évoque ce peuple du cirque, de l’errance, de l’arrachement perpétuel, du nomadisme…

Le monde de Aglaja Veteranyi (qui s’est suicidée début février 2002) et celui d’Ilka sont très proches : Pendant des années, elle a été artiste de rue, sans attache, dans l’errance perpétuelle. Même si elle ne travaille plus dans la rue, elle vit toujours  dans un camion et passe le plus clair de l’année sur les routes, faisant étape dans les villes qui accueillent ses spectacles. (De la rue à la salle : lire son interview...)

Chair de ma chair est le premier volet d’une série qui s’intitule

« Mamans fatales »…

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