Noir divan
Il y a eu récemment beaucoup de polémiques autour de la sortie de l’ouvrage dirigé par Catherine Meyer, « le livre noir de la psychanalyse » paru aux éditions « Les Arènes ». Freud aurait-il triché en rédigeant ses travaux pour rendre compte de son travail mené sur ses patients ? Les psychanalystes se seraient-ils emparés des écrits freudiens comme des textes sacrés, en les élevant au rang de dogmes et non d’hypothèses scientifiques pouvant toujours être remises en questions ?
Il semblerait bien qu’il y ait à l’origine de ces batailles de chiffonniers une querelle d’influence dans le milieu de la santé mentale française entre les psychothérapies comportementales, qui se trouvent injustement valorisées et sous-représentées, et les cures de type analytique qui ont occupé depuis la deuxième moitié du vingtième siècle une place largement prépondérante. Et il est vrai que cette prépondérance peut aisément être contestée : car chacun sait qu’entreprendre une démarche psychanalytique est long, très long, coûteux, très coûteux, et exige un investissement personnel énorme, sans parler d’un compte en banque grassement pourvu, pour des résultats bien souvent aléatoires.
Ce qui en fait presque un luxe, pour des intellectuels nantis… Des bobos, dirait-on aujourd’hui…
Le vrai problème n’est pas là : des millions de gens souffrent au quotidien parce qu’ils se sentent cassés, humiliés, malmenés, et ils perdent pied. Inexorablement, ils s’enfoncent un peu plus chaque jour. Alors ils vont voir leur généraliste qui au bout d’un quart d’heure leur donne un antidépresseur, tout en précisant que, ce ne sera pas suffisant, qu’il faudra entreprendre un travail…
Le mot terrible est lancé : entreprendre un travail...Avec qui ? Comment ? Mystère… Le médecin s'excuse : Il y a des gens qui poireautent dans la salle d’attente bondée et il a déjà plus d'une heure de retard…
Un psychiatre ? Bon courage pour avoir un rendez-vous : ils sont totalement surbookés. Plus de place pour un nouveau client. Chaque fois qu’il y en a qui se suicide, ça libère un créneau, mais il y a une telle liste d’attente !
Un analyste ? Si oui, freudien ou lacanien ? Un thérapeute comportementaliste ? Un médecin ? Un psychologue ? Gestalt thérapie ? Ergothérapie ? Thérapie de groupe ? Un hypnotiseur ? Un magnétiseur ?
Face à l’immense désarroi de nos contemporains, les psychiatres ne sont pas les seuls à être débordés. Les psys de tout poil le sont aussi, comme peut en témoigner cette fin de séance type :
- Nous allons être obligés de nous arrêter…
- Mais je commençais à peine à parler…
- Que voulez-vous, vous n’êtes pas seul à souffrir, vous le savez bien… Vous payez par chèque ou en liquide ? C’est soixante euros, comme d’habitude...
Et dire que les médias s’émeuvent quand les veinotoniques vont être moins remboursés par la sécurité sociale ! Pourquoi ne parle-t-on jamais de ces quarts d’heure facturés à des prix exorbitants, non remboursés par la sécurité sociale, pour des pauvres gens qui ne savent plus à quel saint se vouer et qui seraient prêt à vendre leur âme au diable pour aller juste un tout petit peu mieux…
Voilà où est le vrai problème…