Plus de peur que de mal
C'était dans la yourte, ce week-end...
Comme il faisait très mauvais dehors, j'avais lu une bonne partie de l'après-midi, étendu sur le lit, confortablement installé...
Vicky n'était pas installée au pied du lit comme cela lui arrive souvent mais dans un petit coin, tout contre la paroi de la yourte, comme si elle voulait se cacher.
Vers 18h00, je me suis levé et comme la pluie venait de s'arrêter, j'avais pris sa laisse pour aller marcher un peu.
J'ai vu tout de suite que quelque chose n'allait pas : elle s'est redressée avec peine et elle a franchi le seuil de la yourte comme si on lui avait accroché un poids de vingt kilos à l'arrière-train.
Le pire, c'est quand elle a été sur l'herbe : elle a avancé péniblement d'un mètre ou deux, en faisant le dos rond, puis elle s'est laissée retomber lourdement comme si c'était impossible pour elle de tenir debout. Puis, le comble, elle a relevé un peu une patte arrière et elle s'est mise à trembler.
J'ai hurlé :
"- Vicky ! Mais qu'est-ce qui t'arrive ?"
Elle m'a regardé d'un air tellement pitoyable qu'il m'a tiré une larme. Très vite, dans ma tête, toutes sortes d'idées noires se sont bousculées : en cas de... il faudrait l'enterrer... Mais où ? A Chenevières ? Ici ?
J'ai mis la main sur son coeur : il battait de façon irrégulière : Etait-ce normal ? Comment battait-il, son coeur, d'habitude ?
Je l'ai prise dans mes bras, comme un petit enfant malade, je l'ai recouchée dans la yourte et j'ai dévalé le pré jusqu'à chez Manu pour lui demander si elle connaissait un vétérinaire...
Elle en connaissait un, m'a proposé de téléphoner de chez elle... Ce que j'ai fait... Il pouvait me prendre tout de suite. Je suis resorti en courant, j'ai porté Vicky jusque dans la Caravelle et j'ai foncé... Il y a une dizaine de kilomètres jusqu'au bourg, même pas, mais ils m'ont parus interminables ce soir-là...
Il n'a pas su exactement ce qu'elle avait. Il suspectait un traumatisme... Peut-être avait-elle reçu un coup de sabot de l'une des juments ? J'y avais pensé aussi mais elle avait passé tout l'après-midi avec moi et le matin tout allait très bien... Il m'a dit qu'il pouvait y avoir eu un choc quelques heures auparavant et puis formation d'un hématome interne dans la tête ou le rachis... Il lui a fait deux injections, m'a donné deux flacons de médicaments pour elle, me recommandant de lui donner trois fois trente gouttes entre vingt et vingt-deux heures, de lui faire passer une nuit bien calme et de le rappeler le lendemain main... Si ça n'allait pas mieux, il lui ferait passer des radios...
J'ai prié toute la nuit pour que ça aille mieux le lendemain matin et je n'ai dormi que d'un oeil...
Et, le matin, elle s'est levée, est venue vers moi, d'une démarche tout à fait normale. Je me suis levé d'un bond, je l'ai examinée sous toutes les coutures, je l'ai faite courir : tout allait bien de nouveau ! J'étais heureux !
Je n'ai toujours pas compris ce qui était arrivé à Vicky ce jour-là... Mais chaque fois que je la vois courir pleine énergie et de puissance, comme à l'accoutumée, je rends grâce au ciel...